192              MEMOIRES DE PIERRE DE LESTOILE.
« rendus comme esclaves d'une meschante et vile po* « pulasse armée d'une publique auctorité ; laquelle après « qu'elle nous aura depeschés, je doute que lui mesme a ne se trouve bien empesché de s'en desfaire, et qu'il « ne faille que lui mesmes en vienne là pour se garantir « de leur fureur. Mais Dieu pourvoira à tout s'il lui « plaist, et le temps nous amènera beaucoup de choses. « —Dieu le veuille! dit M. Saint-Sevrin. Mais tout ce « que je crains, c'est exinter moras aliquid sinistri « eveniat. Voilà pourquoi, monsieur, je vous ai bien « voulu advertir : car autrement je n'eusse sceu dormir « la* nuit à mon aise. » Alors M. le president Brisson le remercia, et lui dit que s le lendemain ils s'assemble-roient pour y donner ordre, et qu'on feroit ce qu'on pourroit pour empescher ces meschans desseins « que a je croi, dit-il j car outre ce qu'il n'i a point feu sans « fumée, je les tiens de si bonne part et de si gens de « bien, que je ne les puis révoquer en doute. Mais Dieu « les empeschera, s'il lui plaist.» Et ainsi se départirent l'un de l'autre, pour ce qu'il estoit fort tard.
J'ay pris plaisir à rediger par escrit le susdit devis et discours fidèlement, et de mot à mot, tout ainsi que M. de Saint-Sevrin l'a recité à un mien ami, digne d'estre remarqué pour le jugement de Dieu qui s'en ensuivist dés le lendemain, par la mort de ce grand personnage qui le prevoyoit et predisoit, sans toutefois le pouvoir empescher.
Ge jour, nostre maistre Boucher et Senault arrivè­rent au bois de Vincennes, d'où partist incontinent la garnison, qui avoit esté mandée des Seize pour venir à Paris. Toutefois lesdits Boucher et Senault ne parti­rent de que la tragœdie ne fust jouée, faisant sem-
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